BABIL-ON

Performance de théâtre musical augmenté

BABIL-ON est une performance de théâtre musical augmenté qui décrit le destin imaginaire de la parole. Partant de voyelles pures et introduisant progressivement des éléments à la structure plus complexe, comme les consonnes ou encore le sens sémantique, BABIL-ON découpe la voix au scalpel, pour faire apparaître la charge émotionnelle intrinsèque au langage. Le performer est équipé d’un système de captation du geste lui permettant de manipuler sa voix en temps réel. A la manière d’un close-up, seul face au publique, il découpe sa voix, la rejoue, la dépose autour de lui, la rattrape, la transforme, la module, la démultiplie… Tout se passe comme une démonstration technique si ce n’est qu’apparaît, au fur et à mesure, une insidieuse vérité. BABIL-ON est une métaphore du destin de l’Homme qui ne peut cesser de croître, d’accumuler, de complexifier Sa situation, au point de ne plus pouvoir en jouir sans provoquer Sa propre perte.

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Du destin imaginaire de la Parole …

BABIL-ON peint un portrait original de la Parole, comme si celle-ci était une personne. La vie de cette personne s’écrit alors comme le fil d’évènements extraits de diverses approches scientifiques: La phonétique, la phonologie, l’évolution physiologique, l’acquisition du langage ou le traitement automatique de la langue… Le compositeur emploie ici un procédé qu’il affectionne: Écrire la musique d’un destin imaginaire [1].

D’une naissance marquée par le bonheur de la phonation, le babillage s’excite. Les voyelles pures s’entrecoupent dans un hoquet qui évolue en crise de rire. Un premier accident se produit alors: l’irruption de la consonne. Puis, après une adolescence Beat-Box s’élaborera un pré-langage constitué des mots “Maluma” et “Takete” [2], par contagion de la syllabe. Pour devenir adulte, la Parole a besoin d’agir : Ainsi apparaît le sens sémantique. S’en suit une accumulation d’actions, qui petit à petit, épuise le matériau vocal au point de l’assourdir. C’est la chute de Babylon. La Parole se meurt de vanités. Son salut ne tient qu’à son retour au souffle originel.

Cette série d’irruptions (la naissance, la consonne, la syllabe et enfin le sens sémantique) articulent des parties dont l’évolution est à peu près systématique. A chaque fois, des mondes s’ouvrent par l’exposition de nouvelles règles du jeu, plutôt simples et limpides. Les participants (le performer et les spectateurs) découvrent le potentiel de ce monde qui se meut petit à petit en une tentative d’un langage exposant son propre potentiel expressif, jusqu’à épuiser ce dernier, par excès. Il faudra à chaque fois un évènement extérieur pour les sortir de l’impasse, sauf dans la dernière partie, dont le dénouement naturel réside dans la décroissance.

Subtilement, la mise en abîme de l’individu Parole, parlant pour Lui-même, tombe le masque, au profit de l’insidieuse vérité : C’est de l’Homme dont on parle! L’irrémédiable croissance soulignée par la structure de la pièce, rappelle le destin tragique des civilisations, et fait apparaître notre fatale incapacité à réguler le jeu de la vie.

… au réel sort de l'humanité


[1] Yohkoh traduit en musique la vie imaginaire d’un photon voyageant dans l’espace.

[2] En référence à l’expérience de Wolfgang Köhler, qui suggère qu’il existerait une sorte de lien universel entre certains types de sons et de formes…